PROCèS DE TRUMP : LE TéMOIGNAGE DE STORMY DANIELS AU CENTRE D’UNE AUDIENCE MOUVEMENTéE

Essentiellement centrée autour de la comparution fort attendue de l'ex-actrice de cinéma pornographique Stormy Daniels, l'audience au procès criminel de l'ex-président américain, mardi, a pour le moins été mouvementée.

Une description explicite d'une relation sexuelle alléguée dont le témoin, selon ses dires, ne voulait pas vraiment, une requête pour faire annuler le procès, un contre-interrogatoire très tendu : le déroulement de l'audience a offert un contraste avec celle de la veille, où il était question de factures et de chèques qui auraient été falsifiés.

À quelques mètres de l'homme avec qui elle dit avoir couché il y a presque 18 ans, Stormy Daniels, de son vrai nom Stephanie Clifford, a décrit, avec moult détails, mais aussi souvent avec un débit rapide, la relation alléguée et leurs contacts subséquents.

Selon les procureurs, elle a été payée sur instruction de Donald Trump, deux semaines avant le scrutin du 8 novembre 2016, pour garder le silence sur leur relation, que nie le principal intéressé.

Leur unique rapport sexuel serait survenu en juillet 2006, le soir ayant suivi leur rencontre, lors d'un tournoi de golf au lac Tahoe, au Nevada.

Celle qui avait 27 ans à l'époque a souligné que Donald Trump était aussi vieux ou plus vieux que [son] père, qui avait 60 ans.

C'est un garde du corps de Donald Trump qui lui aurait demandé si elle voulait souper avec son patron, ce qu'elle aurait initialement refusé, prenant cependant son numéro de téléphone.

Les procureurs ont montré une photographie montrant les coordonnées du garde du corps dans son cellulaire ainsi qu'une autre, prise lors du tournoi de golf, montrant Donald Trump et Stormy Daniels.

Elle aurait ultimement changé d'idée et serait allée dans la suite d'hôtel de Donald Trump, qui l'aurait accueillie en pyjama de soie ou de satin, avant de se changer à sa demande.

Celle qui était alors actrice, scénariste et réalisatrice de films pornographiques a décrit longuement leur discussion, au cours de laquelle Donald Trump aurait posé plusieurs question sur son industrie, notamment sur les tests de dépistage des infections transmises sexuellement.

Il aurait brièvement mentionné sa femme, Melania, qu'il avait épousée l'année précédente. Nous ne partageons pas la même chambre, aurait-il déclaré, disant à son interlocutrice de ne pas s'en faire avec le fait qu'il était marié.

La rencontre serait plus spécifiquement survenue peu après la naissance du fils cadet de Donald Trump, ce qui n'a pas été spécifié, le juge ayant déjà statué que les procureurs ne pouvaient pas mentionner ce détail devant les jurés.

Donald Trump lui aurait ensuite lui-même fait miroiter une éventuelle participation à l'émission Celebrity Apprentice.

Il aurait comparé par la suite Stormy Daniels à sa fille.

Récit détaillé de la relation

Même si les procureurs s'étaient engagés à ne pas demander de précisions trop salaces, Stormy Daniels a livré une description assez longue et assez détaillée de la relation sexuelle, selon les comptes rendus des médias américains et internationaux.

La défense, qui a plus tard demandé l'annulation du procès pour cette raison, a d'ailleurs émis plusieurs objections, dont plusieurs ont été retenues par le juge.

À son retour de la salle de bain, Donald Trump, alors en boxer et en t-shirt, l'attendait dans la chambre, sur son lit, a témoigné Mme Daniels.

J'ai senti le sang quitter mes mains et [mes] pieds, comme quand on se lève trop vite , a-t-elle déclaré, disant s'être demandé comme en être arrivée là et avoir dit qu'elle devait partir.

Si elle a affirmé ne pas avoir été menacée verbalement ou physiquement, elle a assuré que l'intention de l'homme d'affaires était assez claire et le rapport de force déséquilibré. Il était plus grand et bloquait le passage.

Elle a soutenu avoir oublié ce qui s'est passé ensuite. Je pense simplement que je n'avais plus conscience [de ce qui se passait]. Je n'étais pas droguée. Je n'étais pas ivre. Je ne me souviens tout simplement pas , a-t-elle affirmé.

La première chose dont je me souvienne, c'est d'être dans le lit [...], sans mes vêtements et mes chaussures, mais je portais toujours mon soutien-gorge. Nous étions en position de missionnaire, a-t-elle dit, disant ne pas se souvenir de s'être dévêtue.

J'ai fini par avoir une relation sexuelle avec lui, a-t-elle affirmé, précisant, à la demande de la procureure, que Donald Trump ne portait pas de préservatif.

J'ai eu honte de ne pas avoir arrêté ça, de ne pas dire non, a relaté Mme Daniels.

Ses mains tremblaient tellement par la suite qu'elle a eu du mal à s'habiller, a t-elle soutenu.

À l'époque, Donald Trump ne lui a pas demandé de garder leur rencontre confidentielle, a-t-elle affirmé.

Stormy Daniels a affirmé avoir parlé au téléphone avec lui à plusieurs reprises par la suite, reconnaissant qu'elle était intéressée à participer à l'émission de téléréalité qu'il animait.

Elle a aussi affirmé l'avoir revu deux fois, en public, notamment à la Trump Tower, en 2007. Donald Trump lui aurait dit qu'il tentait toujours de la faire participer à son émission de téléréalité, mais qu'il faisait face à de la résistance.

Lors d'un témoignage précédent, une collaboratrice de longue date de l'homme d'affaires a confirmé l'avoir vue dans la salle d'attente du 26e étage de l'édifice, où est situé le bureau de Donald Trump.

Retour sur l'entente de confidentialité

Après environ deux heures de témoignage, les procureurs l'ont finalement interrogée sur l'entente en vertu de laquelle elle a reçu 130 000 $ US de Michael Cohen, qui était à l'époque l'avocat personnel de Donald Trump.

Il s'agissait d'un accord de non-divulgation, dont Donald Trump était le bénéficiaire, a dit l'ancienne actrice de films pour adultes, qui s'est présentée à la barre en portant des lunettes.

Elle a dit avoir appris l'intérêt de Donald Trump et de son avocat personnel de l'époque, Michael Cohen, pour son histoire après la diffusion d'un enregistrement préjudiciable à celui qui était alors candidat à la présidence.

Quelques semaines avant l'élection de novembre 2016, le Washington Post avait rendu public un enregistrement sur lequel on entendait Donald Trump se vanter de pouvoir « attraper » les femmes par leur sexe en toute impunité.

Ce sont Donald Trump et Michael Cohen qui lui ont offert 130 000 $ US, a-t-elle soutenu. Le montant m'importait peu, a-t-elle affirmé. Je n'étais pas motivée par l'argent.

Les accusations de falsification de documents ne sont pas liées à ce paiement, qui est toutefois au centre de la trame narrative des procureurs, qui accusent Donald Trump d'avoir fomenté « un plan criminel pour corrompre l'élection de 2016 ».

Stormy Daniels a par ailleurs fait état du chaos qui a suivi dans sa vie quand le paiement a été révélé par le Wall Street Journal en janvier 2018, en pleine présidence Trump.

Soudain, j'étais au premier plan partout, s'est souvenue Mme Daniels, qui a été accusée par Donald Trump et ses partisans d'être une menteuse.

Fait notable, si les interrogatoires et les contre-interrogatoires des témoins antérieurs ont essentiellement été menés par des hommes, autant l'accusation que la défense ont choisi une femme pour interroger Stormy Daniels, dont le témoignage a jusqu'ici duré un peu moins de quatre heures.

Le juge refuse d'annuler le procès

Au retour de la pause de mi-journée après l'interrogatoire des procureurs, l'avocat de Donald Trump Todd Blanche a réclamé l'annulation du procès. Le juge Juan Merchan n'a pas accédé à sa demande.

Je ne pense pas que nous en soyons au point où l'annulation du procès soit justifié, a-t-il conclu, après avoir souligné qu'il avait retenu la majorité des objections qu'avait soulevées la défense.

Je note également que j'ai été surpris qu'il n'y ait pas eu plus d'objections, a-t-il ajouté.

Je pense que je vous ai signalé, ainsi qu'à l'accusation, qu'on allait beaucoup trop loin dans les détails, a soutenu le jue Merchan.

La défense a fait valoir que Stormy Daniels avait livré un témoignage préjudiciable à leur client sur des questions allant au-delà des chefs d'accusation portés contre lui.

Selon CBS News, Me Blanche a invoqué la partie du témoignage sur la perte de conscience, l'absence de rapports protégés et la dynamique de pouvoir qui était en jeu pendant la relation sexuelle alléguée.

Les avocats de Donald Trump ont reproché au juge, avant qu'il lance un avertissement à l'accusation, d'avoir laissé le témoignage aller trop loin, un motif qu'ils pourraient invoquer pour demander un appel si leur client est reconnu coupable.

Pendant l'interrogatoire mené par les procureurs, le juge les a rappelés à l'ordre en leur disant que le témoignage de Mme Daniels allait trop loin. Il a même réprimandé Stormy Daniels pour s'être éloignée du sujet, l'intimant de répondre seulement aux questions.

Dès le début de la journée, avant l'entrée des jurés dans la salle d'audience, la défense a réitéré son opposition à ce témoignage, en particulier à propos de détails sur des actes sexuels.

Le juge Juan Merchan avait alors indiqué que la témoin pourrait dire qu'elle a eu une relation sexuelle avec l'accusé, avertissant toutefois les procureurs qu'il était inutile de connaître les détails.

Selon la transcription de l'audience, citée par CNN, le juge aurait par ailleurs ordonné, en matinée, aux avocats de Donald Trump de dissuader leur client d'avoir un comportement inapproprié. Il sacre de façon audible, et il secoue la tête. Cela peut potentiellement intimider la témoin, et le jury peut voir cela, a-t-il admonesté.

Un contre-interrogatoire corsé

Lors du contre-interrogatoire de Stormy Daniels, la défense a attaqué sa crédibilité, la dépeignant comme une menteuse en quête d'argent et de vengeance.

Ai-je raison de dire que vous détestez le président Trump?, a demandé l'avocate Susan Necheles.Oui , a admis Stormy Daniels.

Vous voulez qu'il aille en prison, a poursuivi l'avocate, se référant à un ancien tweet de Mme Daniels.

Je veux qu'il rende des comptes, a-t-elle répondu. S'il est reconnu coupable, a-t-elle répliqué quand l'avocate est revenue à la charge.

Cela fait une décennie que vous faites de l'argent en prétendant avoir eu des relations sexuelles avec le président Trump, a accusé Susan Necheles.J'ai fait de l'argent en racontant ce qui m'est arrivé, a répondu Mme Daniels, ajoutant que cela lui en avait aussicoûté beaucoup.

Me Necheles a même insinué qu'elle voulait extorquer de l'argent à Donald Trump.

Susan Necheles a en outre insisté sur le fait que Stormy Daniels avait perdu une affaire en diffamation contre l'ex-président et lui devait toujours des centaines de milliers de dollars.

Stormy Daniels, qui a déjà démenti avoir eu une relation sexuelle avec Donald Trump, notamment en 2011, a dû justifier le fait qu'elle avait déjà livré des versions différentes au cours des ans.

La défense a aussi mis en doute son compte rendu d'un incident impliquant un homme qui l'aurait menacée dans un stationnement de Las Vegas, en 2011, pour qu'elle garde le silence au sujet de Donald Trump.

Mme Daniels venait alors de s'entendre avec une revue pour témoigner de sa relation alléguée avec Donald Trump, a-t-elle raconté au cours d'une entrevue accordée à CBS en 2018.

À l'issue de l'audience, Donald Trump a parlé d'une journée très importante, très révélatrice.

Vous voyez que le dossier [des procureurs] s'effondre complètement, a-t-il critiqué. Ils n'ont rien à propos des livres et des entrées [comptables], a-t-il soutenu. C'est tout simplement un désastre pour le procureur du district.

Fait notable, Donald Trump, qui a récemment été reconnu coupable d'outrage au tribunal en vertu de deux décisions du juge, n'a cependant pas commenté le témoignage de Stormy Daniels, se conformant à l'ordonnance qui lui interdit de critiquer les témoins.

Le contre-interrogatoire reprendra jeudi.

L'ex-président est accusé d'avoir falsifié des documents pour dissimuler le remboursement fait à Michael Cohen dans le but de favoriser sa victoire électorale.

Avant le témoignage de Stormy Daniels, les procureurs ont appelé à la barre une éditrice ayant publié des livres autobiographiques de Donald Trump afin de présenter des citations de l'accusé aux jurés. Elle a lu des extraits dans lesquels il était question de vengeance, de son aversion pour le gaspillage d'argent et de la dynamique sexuelle qui existe toujours entre les gens.

Ce premier des quatre procès intentés contre Donald Trump est susceptible d'être le seul qui connaîtra un dénouement avec le scrutin de novembre 2024.

L'ancien président a par ailleurs gagné une manche importante dans la poursuite criminelle fédérale intentée contre lui en Floride : la juge responsable du procès a reporté la procédure indéfiniment.

Dans cette affaire, Donald Trump est accusé de gestion négligente de secrets d'État pour avoir conservé des documents confidentiels dans sa résidence de Mar-a-Lago après la fin de son mandat.

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