« LA DéMOCRATIE EST AUSSI FRAGILE QU’UN PRINTEMPS » : ENTREVUE AVEC L’AUTEUR MARC LEVY

Marc Levy est l’auteur francophone contemporain le plus lu au monde. Son dernier roman, La symphonie des monstres, traite du sort des milliers d'enfants ukrainiens déportés en territoire russe. Il est inspiré de l’histoire vraie d’un garçon muet et est issu d’un long travail d’enquête et de documentation.

En travaillant sur la stratégie que menait Poutine, j'ai découvert ce crime génocidaire de la déportation massive de dizaines de milliers d'enfants ukrainiens, raconte le romancier, en entrevue avec Patrice Roy.

Ça a capté toute mon attention parce que, dans ma vie, ce qui compte le plus, c'est que j'ai été papa, ajoute-t-il.

Il est d’avis que ce crime génocidaire témoigne d’une façon extrêmement parfaite de la barbarie du régime [de Poutine] et de sa capacité à détruire sans aucune limite et sans aucune considération.

Détruire toute trace de la culture ukrainienne

La volonté de Vladimir Poutine ne s’arrête absolument pas à l’envie d’envahir l’Ukraine, mais à l’envie de se venger de la déconstruction de l’Empire soviétique et, donc, de détruire l’Europe et d’envahir le plus de pays possible, soutient Marc Levy.

L’auteur affirme qu’il abordait déjà ce scénario il y a plusieurs années, avant même le début de l’invasion russe en Ukraine. Je passais pour quelqu'un de pessimiste, on me disait que c’était absurde, raconte-t-il.

Il croit que le président russe est déterminé à faire disparaître l’Ukraine et sa culture.

Je le raconte dans le livre : ils bombardent les cimetières où sont enterrés les grands artistes, écrivains et philosophes ukrainiens, souligne-t-il.

Une grande paresse dans les forces du bien

Marc Levy est convaincu que le fait d’avoir une population informée est nécessaire à la démocratie. C’est pourquoi il a senti le devoir de se servir de son vaste lectorat pour raconter la réalité. Parce que j’ai cette chance-là, je dois en faire quelque chose, souligne-t-il.

Il dénonce le manque de volonté de s’informer des populations démocratiques. Vous vivez dans des villes en paix, vous vous asseyez à une terrasse pour commander un café et vous avez la paresse de dire que regarder la vérité du monde, c’est trop dur, déplore-t-il.

C'est comme ça que les dictatures s'installent, met en garde l’auteur. Si vous ne protégez pas [la démocratie] en permanence, c'est un modèle qui est voué à s'autodétruire, parce que les forces autocratiques et les dictatures, elles n'arrêtent pas d'inventer pour prendre le pouvoir.

Pour l'auteur de Et si c'était vrai..., Le voleur d'ombres et Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites, la dichotomie entre les dictatures et les démocraties n'est pas à ignorer.

Pendant que les autocraties et les dictatures mettent au point des systèmes de surveillance et d'écoute de la population, les populations démocratiques rechignent à lire l'information parce qu'elles la trouvent trop harassante. Ça crée un déséquilibre de forces terrible, ajoute l’auteur.

Le roman La symphonie des monstres est censuré en Russie, mais Marc Levy a tenu à tout de même rendre son récit accessible en offrant le téléchargement gratuit de la version en langue russe.

Cette démarche était absolument nécessaire pour lui. En Russie, beaucoup de gens sont sous l'emprise de la dictature, c'est-à-dire de l'endoctrinement et de la propagande, et ils n'ont pas les moyens de savoir ce qui se passe vraiment, souligne l’auteur.

Les Américains à la croisée des chemins

Marc Levy vit aux États-Unis depuis 10 ans. Il est fasciné par l’Amérique, mais inquiet des dérives et de la division profonde de la société américaine. Selon lui, si Donald Trump perd l'élection présidentielle, la justice le rattrapera.

L’idole tombera de son piédestal, prédit le romancier.

Il soulève plusieurs similitudes entre la stratégie de Donald Trump et celles qui ont permis l’instauration de dictatures. Pour qu’une dictature se crée, il faut d’abord fédérer un peuple en souffrance autour d’un ennemi collectif, explique-t-il.

Cet ennemi, c’est la crise migratoire.

Le populiste et le leader populiste vont faire de ces [réfugiés], qui sont dans une souffrance extraordinaire et qui ont déjà des vies extrêmement traumatisées, des coupables, se désole Marc Levy.

Il rappelle que les réfugiés sont des gens auxquels il faut venir en aide.

Lorsqu’on lui demande s’il compte rester aux États-Unis même si Donald Trump remporte à nouveau le pouvoir, Marc Levy se fait hésitant. C’est quand ça va mal qu’il faut rester pour résister, croit-il.

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